De Harris Frost
Erin Hurley est professeure au département d’anglais de l’Université McGill. Ses recherches portent sur le théâtre contemporain, la théorie de pratique théâtrale et le théâtre québécois. Elle collabore actuellement avec le PWM dans le cadre d’un projet de recherche sur le théâtre de langue anglaise au Québec. Elle s’est entretenue avec nous en juillet au sujet de ce projet et de ses résultats.
PWM: Pourriez-vous nous parler un peu du projet sur lequel vous vous concentrez à l’heure actuelle ?
Erin Hurley : Il s’agit en gros d’un projet de recherche sur cinq ans dans le cadre duquel je tente de documenter et d’analyser l’histoire du théâtre de langue anglaise au Québec (TLAQ). Nous en avons fait un bilan à partir de 1930 jusqu’en 2015 à peu près. Je cherche à comprendre le théâtre de langue anglaise en tant que secteur et dans son ensemble par rapport au secteur du théâtre de langue française qui domine au Québec et au secteur du théâtre de langue anglaise qui domine à l’échelle nationale au Canada. Où s’insère donc cet ensemble excentrique de pratiques théâtrales et dramatiques de langue minoritaire par rapport à ces deux autres secteurs adjacents ?
En collaboration avec le PWM, nous tentons de trouver et de lire toutes les pièces écrites par des Québécois anglophones ou par des auteurs qui se retrouvent au Québec et qui écrivent en anglais. De toute évidence, le PWM a pu abriter au fil des années tout un recueil de ces œuvres. À l’heure actuelle, nous sommes en train d’en faire un genre de répertoire qui rassemble tous ces différents textes. Puis la prochaine étape sera de lire ces pièces, d’en faire des résumés et d’en sélectionner quelques-unes qui seront mises en lecture scénique par des comédiens professionnels dans le cadre de deux festivals qui auront lieu à McGill. Le dramaturge et traducteur Alexis Diamond, directeur littéraire du festival, travaille avec la dramaturge universitaire Alison Bowie et moi afin d’assurer la conservation de ces pièces. Nous n’avons pas encore déterminé tous les paramètres de ces festivals, mais l’idée est que chaque soir, nous présenterons une ou deux œuvres issues d’une certaine décennie.
PWM: Pourquoi avez-vous choisi de collaborer avec le PWM pour ce projet ?
Erin Hurley : Eh bien, le PWM a été fondé en 1963 en tant que lieu de développement et de présentation pour les dramaturges anglophones locaux. Nous profitons donc du fait que de nombreux textes plus anciens, dont beaucoup n’ont jamais été publiés et dont certains n’ont même jamais été réalisés, ont survécu dans la bibliothèque Carol Libman du PWM ou dans les archives hors site de l’Université de Guelph.
L’autre façon dont le PWM s’inscrit dans ce projet, c’est dans le cadre la sélection des pièces pour le festival. Emma Tibaldo, directrice artistique du PWM, nous oriente vers des pièces dans la bibliothèque Carol Libman qui pourraient nous intéresser ou qui ont marqué l’histoire du théâtre de langue anglaise au Québec. Emma nous aidera également à trouver des comédiens et des metteurs en scène professionnels pour ces lectures publiques.
PWM: Comment allez-vous choisir quels scénarios présenter ? Quels sont vos critères ?
Erin Hurley : Ça reste à déterminer, hahaha ! En un premier temps, ce serait mesuré par l’intérêt suscité. La pièce est-elle novatrice en matière de sa structure ? Est-ce qu’elle traite d’un sujet dont on n’entend pas souvent parler ? Nous sommes aussi à la recherche de pièces qui en quelque sorte représentent le moment dans l’histoire dont elles sont issues. Puisque nous organisons les pièces par décennie en ce moment, nous pourrions chercher une pièce qui nous fait dire « Ah ! cette pièce est très 1935 ».
L’autre chose que nous recherchons, ce sont les pierres précieuses perdues, des pièces qui n’ont jamais vu le jour, qui n’ont été ni réalisées ni publiées. Et nous recherchons une diversité de perspectives, non seulement à travers le temps, mais aussi en termes des auteurs de ces pièces ainsi que de leurs éléments formels. Nous voulons un bon mélange, esthétiquement ainsi qu’en termes d’auteurs et de périodes.
PWM: Dans un de vos récents textes d’opinion sur le TLAQ, vous faites référence à l’évaluation de 1991 de la Fédération dramatique du Québec selon laquelle il n’y a « rien de distinct » au TLAQ. Envisagez-vous ce projet comme étant un moyen de réfuter cette évaluation ?
Erin Hurley : Eh bien, j’aimerais penser qu’il y a un ensemble de caractéristiques qui définissent ce rassemblement d’œuvres. Je ne sais pas encore si c’est vrai. Je pense que l’idée que le milieu du TLAQ est mal défini découle de cette dynamique entre la majorité et la minorité qui définit le domaine. Donc avec ce projet, même si nous ne pouvons pas définir le TLAQ précisément au moyen de trois caractéristiques spécifiques ou quoi que ce soit d’autre, nous en saurons au moins un peu plus à ce sujet.
Si nous avons une bonne idée de l’histoire de la pratique, des personnes qui ont joué un rôle important dans cette pratique, des types d’espaces dans lesquels elle s’est déroulée, si nous avons une idée de ce qui la définit, nous pouvons en accroître la lisibilité. La visibilité aussi, car nous avons effectivement un certain espoir militant autour de ce projet pour aider à définir ce secteur mal défini et, ce faisant, le rendre un peu plus visible aux yeux du public.
La série de lectures scéniques devrait débuter au cours de l’année académique 2019-2020 et se conclure au cours de l’année académique 2020-2021. Ces présentations auront lieu au Théâtre Moyse Hall et seront gratuites et ouvertes au public.